dimanche 29 décembre 2019

La vidéo sociale (TikTok, Triller, Jambl), nouveau levier de créativité et de création de valeur

C'est probablement ce qu'on sous-estime le plus en termes d'évolution des usages sur les réseaux numériques : la capacité du public à s'approprier de nouveaux outils pour produire des contenus originaux. En dehors des clips musicaux, c'est ce qui a fait le succès de Youtube.

On moquait facilement, en 2005, alors que la plateforme émergeait à peine, son ambition de construire une large audience sur Internet en s'appuyant sur les UGC (User Generated Content), c'est à dire les contenus vidéo produits par les utilisateurs eux-mêmes. Comme si tout le monde allait se mettre à produire des vidéos de qualité dignes d'intérêt.

Quinze années se sont écoulées, et les clips de chats, de gags, de bébés dansants ou de vacances en famille ont largement cédé la place à une offre pléthorique de productions indépendantes, de chaînes thématiques (information, tutoriaux, documentaires, vulgarisation scientifique, musique...), et de séries produites par des milliers de Youtubeurs sur tous les thèmes.

A tel point que la génération "Youtube"', celle qui est née en même temps que le Web, ne regarde plus ou presque la télévision. Quant à celle qui est née en même temps que Youtube, elle a déjà migré vers des plateformes de vidéo plus sociales, qui empruntent le plus souvent des canaux de messagerie instantanée sur les mobiles, et sont devenues le nouveau média de prédilection des teenagers.

Génération TikTok

L’application mobile TikTok, leader chinois du secteur (1,3 milliard d'utilisateurs dans le monde), fait appel à l’intelligence artificielle pour synchroniser musique, mouvements et effets spéciaux dans les courts extraits vidéo créés et échangés par ses utilisateurs. Sur cette plateforme, ce sont les UGC qui agrègent l'essentiel de l'audience. Un pré-adolescent accro à TikTok ne produit pas un mais cinq ou six vidéo clips par jour, dans lesquels il se met en scène en musique, et qu'il partage avec sa communauté.

La maison mère de TikTok, le groupe chinois Bytedance, vient de racheter la start-up britannique Jukedeck, qui a développé un générateur automatique de musique s’appuyant sur l’intelligence artificielle pour composer des musiques d’illustration originales sur la base de simples critères de genre, de tempo et de durée. Ainsi les utilisateurs de TikTok devraient-ils pouvoir à terme, grâce à l’intégration du moteur de composition de Jukedeck, rythmer leurs clips vidéo avec des musiques originales.

Comme TikTok, l’appli mobile de la start-up new-yorkaise Triller s’appuie sur l’intelligence artificielle pour permettre la réalisation en quelques clics de petits clips musicaux d’aspect professionnel sur un smartphone, avant de les diffuser sur les réseaux sociaux. L’utilisateur choisit une chanson, sélectionne la portion qu’il souhaite utiliser, prend quelques images de lui, et obtient une vidéo de qualité qui le met en vedette. De plus en plus d’artistes utilisent l’appli de Triller, qui revendique 60 millions de téléchargements et 13 millions d’utilisateurs actifs tous les mois, pour poster de courts clips vidéo à destination de leurs fans.

Social Entertainment

La jeune start-up allemande Jambl surfe sur cette vague des nouvelles applis de « vidéo sociale » en s'adressant plus particulièrement aux « beatmakers » qui veulent réaliser de courtes vidéos avec leur propre son. Les utilisateurs de Jambl peuvent mixer leur bande son à partir de packs de beats, de boucles et de samples accessibles via l'appli. "Notre équipe est obsédée par l'idée de donner à chacun la possibilité de s'exprimer instantanément à travers la musique", déclare son fondateur Gad Baruch Hinkis. Le public prend une part de plus en plus active à la création de valeur et de contenus sur ces nouvelles plateformes.

En Chine, Tencent Music Entertainment (TME), opérateur des plateformes de streaming QQ Music, Kugou, Kuwo et WeSing, réalise les deux tiers de son chiffre d'affaires grâce à des services sociaux centrés autour de la musique : des services de karaoké en ligne, autour desquels se fédère une communauté qui partage ses prestations et organise des séances de karaoké virtuelles ; et des services de streaming live, qui permettent à des interprètes amateurs de se produire en direct sur le réseau, et aux plus talentueux d’entre eux d'émerger en tant que nouveaux talents.

La monétisation des services sociaux de TME centrés autour de la musique repose sur la vente de cadeaux virtuels (qui permettent de gratifier de « pourboires » des artistes ou des utilisateurs pour leurs prestations de karaoké ou de live streaming), ou de tickets pour des expériences particulières (comme enregistrer le karaoké d’un titre en duo avec son artiste-interprète). En 2017, cette économie de micro-paiements a généré un chiffre d’affaires de 7,8 milliards de yuans pour TME (près de 990 M€).

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